En plongeant dans la forme humaine, l'esprit naturel se retrouve comme enfermé dans un environnement obscur. Pris dans les méandres du système d'information humain et de ses produits, il cherche à retrouver sa clarté naturelle, il cherche le chemin du retour. Le terme souvent utilisé de "disciple" ou de "chercheur" s'applique à celui qui, insatisfait de sa condition psychique, cherche à trouver le chemin, puis à cheminer vers la clarté perdu de son esprit naturel.

Le thème principal de notre recherche est le "développement". Le développement personnel et le développement de l'esprit. Il n'est peut-être pas inutile de reprendre à nouveau les différents points qui composent notre sujet. Formation est souvent répétition. Communication est aussi clarification, répétition, définition, accord sur les contenus.
Il y a tout d'abord notre personnalité. C'est elle qui fait généralement l'objet du travail de développement personnel. Il s'agit de connaître la composition et le fonctionnment de notre personne. Dans la position de l'observateur ou de l'étudiant, je peux tour à tour porter mon attention sur mon corps physique, sur mon corps émotionnel, sur mon corps mental. Je peux aussi étudier la manière dont fonctionne le processus transversal entre ces trois corps, physique, émotionnel et mental. Car ce qui caractérise le plus ma personnalité, c'est la manière dont fonctionne ce processus transversal que nous appelons aussi "système d'information" de la triple personnalité. Nous appelons ce processus transversal "système d'information" parce qu'il gère de manière continue l'information qui nous environne et qu'il la transforme sans cesse en réponses comportementales externes et internes. Ces réponses comportementales dépendent dans une large mesure des contenus et des modalités de fonctionnement de notre système d'information. Ces réponses comportementales dépendent aussi de la manière dont l'information nous est parvenue et des conditions dans lesquelles cette information nous est parvenue. De nombreuses organisations culturelles, religieuses, politiques, financières, mues par leurs visions et leurs intérêts propres, travaillent depuis longtemps à nourrir notre système d'information collectif et personnel.
On peut dire que notre personnalité est une "forme". Certains auteurs l'appeleront un "véhicule". Le terme "véhicule" suppose que l'objet est là pour véhiculer quelque chose ou quelqu'un. Et c'est là que nous approchons du deuxième terme de notre sujet, le développement de l'esprit.
L'esprit est comme une surface de conscience, comme un écran d'observation, comme un outil de concentration. Je peux concentrer mon attention sur le rythme de mon coeur, sur le bien-être d'une émotion profonde, sur l'analyse d'une problématique complexe. Et quand je ne concentre pas mon attention sur un point précis, ma surface de conscience, mon esprit est traversé en continu par les milliers d'éléments présents dans mon système d'information personnel. Mais, je suis responsable du pilotage de mon esprit. Je peux faire un zoom sur un point d'observation, je peux laisser aller, je peux faire le vide, je peux choisir comme point d'observation mon esprit lui-même, les maîtres de sagesse orientaux nous l'enseignent.
Nous avons donc une forme, un véhicule, une triple personnalité munie de son système d'information personnel, largement dépendant des systèmes d'information collectifs imposés.
Nous avons aussi un esprit, une surface de conscience et d'observation qui peut se fixer sur la globalité, sur le détail, sur le plein, sur le vide, sur lui-même. Je peux avoir la sensation d'exister parce que je ressents le plein et l'activité de ma triple personnalité. Je peux avoir la sensation d'exister parce que j'ai mis en veille l'agitation de ma triple nature extérieure et que je sens enfin le silence, la paix, le bien avec moi-même. Je peux avoir la sensation d'être, parce que je suis fier de l'efficacité de ma personnalité, je peux avoir la sensation d'être parce que j'ai compris que je ne suis pas ma triple personnalité, que je ne me confonds pas avec ma personne, que je suis moi-même et que je vis au-travers et grâce à cette triple nature qui me rend disponible à un environnement. C'est la question de l'éternelle confusion entre l'objectif et le moyen. Je peux considérer que ma personne est l'objectif, le but. Je peux aussi considérer que ma personne est le moyen de réaliser d'autres objectifs. Et cette question là nous renvoie à l'évolution de l'espèce humaine. A l'évolution dans ses étapes passées. A l'évolution dans ses étapes futures.

Pourquoi les temps de méditation se pratiquent-ils dans des temps de silence ? La personnalité bavarde. La nature profonde se recherche et apparaît lorsque le bavardage extérieur ou intérieur cesse. Le silence, extérieur et intérieur, est l'une des premières conditions pour la recherche de l'esprit naturel.

Il y a comme un point de passage, le mot est exact, un passage, une passerelle, un pont, entre le monde humain de la triple personnalité et le monde de l'esprit naturel. Redisons, une fois encore, que l'esprit naturel est celui qui est libre à la fois de la structure et des contenus du psychimes ou système d'information personnel. Certains textes anciens racontent l'histoire d'un buisson en feu qui brûlait sans détruire et purifiait l'être de tous ses contenus personnels. Je ne sais pas, aujourd'hui, quel nom donner à ce point de passage. L'être se trouve comme au centre, toujours dans sa forme, mais comme distancié de la forme, de ses mécanismes, de ses contenus qui font monde. L'être se trouve au centre, conscient de lui-même et cependant autrement que dans le flux des pensées cognitives. "Je me tiens à nouveau debout" peut-il penser, au centre d'un espace nouveau, conscient d'être moi-même sans le soutien de ma triple personnalité en sommeil. "Je me tiens à nouveau debout, un point dans un espace plus large et cependant moi-même." "A nouveau debout" semble indiquer qu'en dessous du point de passage l'être humain ne serait pas, ou pas encore debout. Il se redresse, se met debout à l'instant où il se libère de son psychisme et de ses contenus. A nouveau debout, me voici balbutiant dans un espace, dans un monde nouveau que je cherche à découvrir.

Tu me demandes ce que j'appelle le psychisme ? Dans un article précédent, où nous redonnons une définition de base de la triple personnalité, nous évoquons le fait que c'est surtout le fonctionnement de notre psychisme ou système d'information personnel qui crée, à notre grande satisfaction, l'illusion d'être des êtres très spécifiques et personnels. L'illusion et dans certains cas aussi, la désillusion.
Le système d'information personnel ou psychisme se calque, dans les grandes lignes, sur la structure de la triple personnalité. Ses composantes sont ainsi les suivantes :
- Correspondant au plan physique, nous avons toutes les entrées sensorielles. Ce sont les portes d'entrée, vue, ouïe, odorat, goût, toucher, par lesquelles entre immanquablement tout ou partie de l'information qui se trouve dans notre environnement du moment.
- Correspondant au plan astral-émotionnel, nous avons en fait le monde émotionnel lui-même, avec toutes ses vibrations, des plus nobles aux plus sentimentales, des plus heureuses aux plus douloureuses. Chaque information qui entre par les portes sensorielles physiques est imprimée dans la masse par une touche émotionnelle.
- Nous avons alors le plan mental qui traite l'information. Ses capacités de traitement sont multiples. Il crée des images, des représentations, il combine ces images et ces représentations, il crée, il situe et se situe dans un périmètre donné, il traite les informations en les classant, il analyse, il réfléchit et porte plus ou moins vers l'action.
Et ce qu'il est important de souligner, c'est que les trois composantes du psychisme sont liées dans un processus de fonctionnement, que nous appelons le système d'information personnel. L'information rentre, le système y met nécessairement un sens (j'ai bien dit le système et non pas nous) puis y ajoute, scellé dans la masse, une émotion prise dans le registre du plan émotionnel. Le produit de sortie du système d'information personnel est alors une action ou une non-action et toutes sortes de comportements intérieurs et extérieurs.
Mais attention ! Ce système fait monde. Il nous encercle. Ses produits et ses résidus de fonctionnement crée l'illusion d'une réalité. Il a tendance à nous inclure. Et pris au jeu, nous avons tendance à nous identifier à lui. Mais, cela peut être autrement. La vérité est peut-être ailleurs !